Entrée sous le signe de l'agacement [libre]

Assis sur son lit, Satoshi regardait fixement son livre de philosophie. Il n’avait aucune envie d’aller à ce cours qu’il jugeait tout à fait inutile. Quelle était bien l’utilité d’aller écouter parler de gens dépressifs qui avaient futilement passé leur vie à tenter de justifier leur existence? Il n’en avait absolument rien à balancer de toutes ces idioties. Ce n’était pas comme si le fait de philosopher sur sa vie allait y changer quoi que ce soit… son avenir était depuis longtemps coulé dans le béton parental. Satoshi froissa avec mépris la lettre qu’il tenait dans ses mains effilées. Une lettre lui rappelant ses responsabilités envers la Famille et combien il était important qu’il performe…

Pour une fois dans sa vie, il allait agir comme ce qu’il était; un adolescent. Peu importe ce que diraient ses parents!! Attrapant son manteau d’un geste rageur, le jeune homme sortit d’un pas brusque des dortoirs et se dirigea vers le hall d’entrée, son livre de philosophie attendant sagement son retour sur son lit. Il enfila son manteau en marchant puisqu’il n’osait pas trop prendre le temps de penser, certain que la raison prendrait le dessus et qu’il abandonnerait son idée.

Il atteignit son premier obstacle dans le hall d’entrée. Un garçon s’y tenait en plein milieu et semblait attendre quelque chose. Satoshi regarda nerveusement autour pour s’assurer qu’il n’y avait aucun professeur et fut soulagé de constater que la voie était libre. L’autre ignorait toujours ostensiblement son existence. Parfait pour lui, ça faisait bien un témoin de moins.

Satoshi le contourna et se dirigea vers la porte. Il irait sans doute en ville visiter un peu les alentours… des alentours qu’il ne connaissait pas du tout en y songeant bien… La main soudain crispée sur la poignée, il hésita légèrement. Il n’avait bizarrement plus si envie que ça d’être seul. Il se retourna et étudia d’un coup d’œil rapide l’élève dans le hall. L’air négligé et son allure qui se voulait rebelle seraient sans doute bien plus efficaces à éloigner les mauvaises rencontres que sa propre stature élancée et délicate en comparaison. Sa décision prise, Satoshi pris un air légèrement amusé qui convenait à la situation.

-« Tu sais, ce n’est habituellement pas recommandé de séché les cours en plein milieu du hall d’entrée», lui lança-t-il en levant un sourcil inquisiteur.

Pas très surpris, Satoshi entendit l’autre lui dire, d’un ton très nonchalant, qu’il se doutait bien qu’il était en retard, pour ensuite poser son regard sur la porte. C’était très prometteur! Satoshi ne devrait peut-être pas affronter les dangers de la nature seul en fin de compte… une petite poussée de plus et l’autre serait exactement où il le voulait. Satoshi s’apprêtait à lui dire, tout naturel bien sûr, que vu l’heure, la seule option valable qui restait était de sécher les cours, mais l’autre le devança. L’inconnu alla même jusqu’à passer la porte avant lui. Satoshi souri, amusé. On n’avait définitivement pas besoin de lui tordre le bras à celui-là pour le pousser à sécher. Le jeune garçon s’empressa de lui emboîter le pas et referma sans bruit la porte derrière lui. Inutile de prendre le risque que quelqu’un entende la porte claquer, surtout si l’autre disait vrai et que des bruits de pas se rapprochaient.

Il était enfin dehors! Satoshi s’accorda une pause après quelques pas et savoura pleinement la douce caresse du vent. Il ferma les yeux brièvement et, un sourire aux lèvres, analysa toutes les fragrances que lui apportait le vent. L’herbe fraîchement coupée, le parfum des fleurs, l’odeur des pins et… quelque chose de définitivement plus épicé… Cette dernière odeur rappela au garçon qu’il n’était pas seul. Retrouvant son expression neutre habituelle, Satoshi rouvrit les yeux. Il profiterait de la nature une autre fois.

-« Tu as une préférence sur l’endroit où tu veux aller? », lui demanda-t-il en jetant un regard entendu sur le ciel d’un gris peu avenant.

L'autre élève préférait donc rester à la pluie plutôt que de visiter des bâtiments... hmm, il n'était définitivement pas un élémentaire de feu dans ce cas. L'eau était plus probable, mais encore là, l'autre garçon pouvait aussi avoir comme élément l'air. L'air ambiant était chargé, signifiant qu'une tempête n'était pas loin. Le mélange de l'eau et de l'air l'avait toujours bien fasciné... Bon, il verrait bien avec sa réaction face à l'eau à savoir s'il s'en protégeait ou non. Il aurait donc sa réponse sur son élément. Il fallait vraiment aimer l'eau pour se laisser détremper volontairement!!

Satoshi haussa donc les épaules machinalement et lui répondit avec un "dehors ça me va". Si l'autre s'avérait trop ennuyant, il n'aurait qu'à lui dire qu'il préférait visiter Kyoto pour s'éclipser. Satisfait de la situation, il ajusta son écharpe et rejoignit l'autre sécheur de cours qui, de façon surprenante, s'était arrêté pour l'attendre. Ah, Subaru Tsuzuki. Son nom de famille ne lui disait rien du tout... ses parents n'approuveraient sans doute aucunement qu'il face connaissance avec lui s'il n'était pas de la haute société. Satoshi s'en moquait royalement et, dans geste pour défier encore plus l'autorité parentale, il décida de laisser de côté son attitude froide pour se présenter à son tour.

Plongeant ses yeux bleux dans les siens, il laissa ses lèvres tracer l'ébauche d'un sourire.

-"Moi c'est Satoshi Katamura, heureux de faire ta connaissance Tsuzuki-kun"

Il maintint le contact visuel quelques secondes et se détourna enfin pour continuer de marcher. Bon, comment poursuivre la conversation maintenant? Il était surtout doué pour les tuer... Satoshi décida de s'essayer avec une question qu'il voulait anodine.

-"Alors, qu'est-ce qui t'amène dans un collège aussi éloigné que Pluie d'Automne?"

Une goutte d'eau s'écrasa lourdement sur sa joue. Satoshi détourna légèrement les courants d'air pour ne plus en recevoir. Tant que la tempête ne se déchaînerait pas, il ne lui en coûterait pas beaucoup d'énergie pour s'en protéger.

Satoshi leva un mince sourcil surpris et peu impressionné devant la réaction assez haineuse de Subaru face à son propre nom de famille. Il nota mentalement que le sujet de la famille était de toute évidence très épineux… et donc, sûrement très intéressant! Il se promit intérieurement de chercher à en savoir un peu plus. Le moment était mal choisi puisque Subaru était complètement sur ses gardes, mais peut-être qu’une occasion propice se présenterait.

En plus, c’était très vague de répondre en disant que sa famille l’y avait obligé. Cette réponse évasive ne soulevait que d’autant plus de questions!! Très bien, ça pouvait très bien se jouer à deux… Satoshi accepta donc le changement de sujet sans commenter.

-« Ça ne doit pas être très en vogue pour les parents de se soucier de ce que leurs enfants veulent parce que les miens non plus ne m’ont pas demandé mon avis », lança-t-il en lui jetant un regard en coin amusé, attendant de voir si l’autre se rendrait compte qu’il lui avait pratiquement renvoyé ses propres mots et ce, en disant strictement la vérité. Ses parents l’avaient envoyé le plus loin possible pour le punir de ne pas avoir respecté leurs règles et d’avoir fréquenté quelqu’un jugé comme étant un parias. Ses parents s’imaginaient que couper de toute source financière et de ses amis, il serait malheureux et se soumettrait de bonne grâce à leur dictature pour revenir dans un état de confort. C’était sans compter sa fierté…!

Subaru croisa enfin son regard et Satoshi se permit de lui envoyer un clin d'oeil espiègle. Il ne pousserait pas le sujet plus loin... pour le moment du moins.

Satoshi ignora le commentaire de l'autre sur sa maitrise sur l'eau. De toute évidence, s'il avait eu le goût de ressember à un chien dégoulinant, il aurait laissé la pluie le toucher. Il regarda son compagnon et en frissonna presque pour lui: il était complètement détrempé. S'il lui restait des doutes sur l'élément de Subaru, ils étaient complètement dissipés.

Satoshi fronça les sourcils en entendant l'autre lui donner carrément l'ordre d'aller sous un arbre s'il voulait éviter la pluie. Qui lui avait demandé son opinion à celui-là? D'accord, Satoshi avait jeté quelques regards envieux vers la forêt où le débit de la pluie promettait d'être plus clément, mais jamais il ne l'avouerait volontairement. Ce serait avouer avoir une faiblesse... et crier sur tous les toits qu'il n'était même pas capable de supporter un peu de pluie.

Subaru s'écarta du chemin et se dirigea d'un pas décidé vers la forêt. Satoshi hésita un moment, mais finit par lui emboîter le pas. Ce n'était pas pour le couvert des arbres se justifia-t-il en lui-même, mais comme ils n'avaient pas de destination, la forêt conveanait tout aussi bien qu'un autre endroit. Subaru s'arrêta enfin et s'adossa à un arbre.

Satoshi lui rendit son regard et haussa les épaules. "Cet endroit en vaut bien un autre", fit-il d'un ton neutre.

C'est en le regardant de plus près qu'il vit qu'une feuille était tombée sur les cheveux de l'autre. De façon machinale, il leva un doigt et détourna un peu l'air pour dégager l'intruse, ébourrifant toute la chevelure dans le processus.