Une pause avant de retourner travailler ... [PV Ludwig]

Assis à son bureau, Mael consultait quelques dossiers qu’il avait pourtant déjà lus et relus. Des dossiers d’élèves, plus ou moins bons, ainsi que des dossiers de professeurs. Il n’y avait pourtant pas grand-chose dans tout ça. Le parcours de l’élève, des appréciations plus ou moins positives, de même pour les professeurs, mais sans les appréciations. Il avait aussi des candidatures à étudier, une bonne vingtaine de CV se présentaient à lui, en attente de lecture. Il prit son courage à deux mains, et prit le premier de la pile qu’il parcouru des yeux d’abord rapidement, avant de le regarder plus en détails. Le premier n’avait pas grand intérêt, mais il le garda de côté, regardant les autres chacun leur tour, en les triant faisant deux piles : les non, et les peut être. Il soupira, considérant la pile des non qui visiblement était plus grande que l’autre. Au moins, le choix serait moins dur. Mais il y avait pas mal de personnes à contacter pour leur donner cette réponse négative. Il avait la flemme, mais savait que ne pas avoir de réponse était pire que d’en avoir une négative, et surtout, il ne s’agissait que d’un petit mail formel, qu’il écrirait une fois avant de faire copier coller et changer le nom à chaque fois.

Un bref coup d’œil à l’écran de son ordinateur lui indiqua que la matinée se terminait, et il était l’heure de la pause de midi. Ça tombait bien, son ventre commençait à gargouiller et il en avait marre de rester coincer dans son bureau, alors que dehors il faisait grand beau et très probablement assez bonne température. Il se leva, laissant tout en plan sur son bureau, attrapa sa veste et l’enfila, avant de sortir de la pièce qu’il referma en partant. Heureusement, son bureau était au ré de chaussée, et donc il n’avait pas d’escaliers à descendre, ni (par conséquent) à remonter lorsqu’il reviendrait.

Arrivé en dehors du pensionnat, il hésita alors entre rentrer chez lui pour se faire à manger, sachant qu’il n’avait presque rien dans son frigo, et pas plus dans les placards, ainsi que la flemme de faire quelque chose de correct, ou aller manger quelque part en ville, mais là encore, il restait à savoir où. Après courte réflexion, il opta pour un petit casse croute acheté en ville, ce qui lui permettrait de prendre l’air un peu. Et puis comme il faisait beau et ne faisait pas froid, autant en profiter ! il se dirigea alors vers une petite boulangerie qu’il aimait beaucoup, par la qualité des produits vendus. Il resta quelques instants devant la vitrine, à hésiter devant ce qu’il avait envie de prendre, puis au final choisit une part de pizza qui lui semblait particulièrement bonne. Une fois son butin acquis, il s’éloigna et alla alors se trouver une place sur un banc non loin de là. Il commença à manger, observant les passants qui allaient et venaient, à des allures différentes suivant les personnes : il y avait les hommes d’affaire pressés, les gens normaux, etc...

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Il y avait plusieurs raisons à poser sur l'humeur revêche de Ludwig. La première était surement dût au mot "Lundi", premier jour d'une semaine s'annonçant longue et fastidieuse. La deuxième était purement matérielle : aussi nombreux que soit les vices du professeur, celle d'allumer une cigarette à peine sortie de la couette était l'un des plus inepte et insensé. Ainsi, lorsqu'il plongea ses doigts dans le paquet sur l'établie à la recherche d'un de ces bâtons empoisonnés, et qu'il n'y trouvait rien d'autre que l'emballage d'aluminium les enveloppant, son taux de patience fut réduit de moitié. La troisième et dernière raison était le retard qu'il avait prit dans la correction de ses copies rendus par les élèves. Ayant somnolé et déambulé tel un zombie dans son appartement tout le week end, il ne s'y était pris que très tard le soir. A son plus grand dam.

La journée commença donc par deux heures de colle généreusement attribuées à un charmant garçon prit en flagrant délit de coller son chewing-gum en dessous d'une table, et avait continué dans une ambiance aussi maussade que possible.
Jetant des coups d'œil fréquent à la masse d'étudiant plongé dans leur devoir surveillé, griffonnant en même temps des notes et appréciations pour ses premières années, Ludwig se concentra sur cette dernière heure de la mâtiné qui passait étrangement lentement. Un geste dépourvue de discrétion attira le regard perçant et courroucé de l'homme. Il fronça les sourcils en apercevant un élève se pencher un peu trop près de son voisin, ouvrit un de ses nombreux cahiers puis gribouilla une note dans la marge.

"-Première note du devoir : zéro, attribuée à Mr Nobu Takashima. Vous pouvez tous l'applaudir. Tu viendras me voir à la fin de l'heure."

Ricanements grossiers, chuchotements téméraires, puis, de nouveau, le silence. Ils n'eurent pas à attendre beaucoup avant que la sonnerie annonçant la pause méridienne n'enchante le moral de tous. Le fautif se faufila vers la sortie accompagné de camarade, mais fut vite rappelé par un grognement furibond de la part de son professeur, lequel expliqua pendant une brève minute la conséquence de sa tricherie. La matinée se terminait donc par deux heures de colle.

La rue grouillait de monde. Les passants pullulaient comme des cafards autour des fast food et des boulangeries. Ludwig venait de sortir du bar tabac que déjà, la clope était coincée entre ces dents. Se pressant, se bousculant entre toutes ces personnes affamées, l'homme réussit à dénicher un café où, à priori, il serait tranquille pendant l'heure qui suivrait. N'étant pas le moins du monde affamé, il commanda sèchement une boisson caféinée à la demoiselle en tablier blanc qui arrivait vers lui tout sourire, et passa quelques minutes le regard figé sur un coin du mur de céramique en face de lui. Il reposa la tasse sur la table après y avoir trempé ses lèvres une dernière fois. Son visage se tourna vers la rue. Ses doigts tapotèrent une mélopée frénétique contre le rebord de la table. Il regardait sans vraiment voir. Jusqu'au moment où une chevelure aux reflets bronze se détacha de la masse noire. Ludwig fronça les sourcils derechef. Un bref sourire s'étala sur ses lèvres cerise. Il déplia ses jambes, jeta quelques pièces sur la table, et poussa le battant de la porte, s'engouffrant dans la fraicheur du printemps naissant. Il venait de reconnaitre son supérieur et employeur, de deux ans plus jeune que lui, et pourtant d'un sérieux exemplaire. Le professeur et lui n'avait jamais vraiment beaucoup conversé, en dehors des entretiens purement professionnel. Il traversa la route solennellement, tourna vers la droite, contourna le banc sur lequel était posé Mael Fujiwara, qui tournait le dos à l'argenté. Celui ci posa ses coudes contre le dossier, croisant ses bras. Il courba les épaules.

"-C'est une habitude de votre part, que de manger sans autre compagnie que votre propre pensé, monsieur le Directeur ?"

Ludwig se permit un sourire goguenard. Un ricanement léger.

A cette heure de la journée, il y avait vraiment beaucoup de monde qui grouillait dans la rue. La plupart avec leur casse croute dans la main, marchant d’un pas pressé, sans vraiment regarder où ils allaient, bousculant parfois ceux qui se trouvaient sur leur passage. Mael mangeait sa pizza tranquillement. Il n’était pas vraiment pressé. Et puis si jamais il revenait un peu en retard dans son bureau, ce n’était pas grave : il n’avait personne au dessus de lui pour lui reprocher de ne pas être là à l’heure, et puis de toute façon, rares étaient les personnes qui venaient lui « rendre visite » dans son bureau aux premières heures de travail. Il avait donc une marge d’une bonne demi-heure au moins.

Bien qu’au début, son regard était plutôt attentif à l’égard des divers passants, il finit par ne plus vraiment y prêter attention, même si ses yeux en suivaient quelques uns dans leur progression. Il ne lui restait plus grand-chose à manger de son casse croute. Il soupira, perdu dans ses pensées qui l’envahissaient un peu trop. Il songeait à ce qui lui restait encore à faire impérativement avant le soir même, et à ce qu’il aurait à faire ensuite. Il n’avait en fait pas beaucoup de temps libre quand il était dans son bureau. Enfin, c’est surtout qu’il ne faisait rien pendant un moment, laissant s’accumuler le travail avant de se rendre compte de ce qu’il a à faire. Il s’y mettait alors, et devait se dépêcher pour être dans les temps.

Alors qu’il avait toujours la tête ailleurs, il sursauta légèrement en entendant une voix juste derrière lui s’adresser à lui. De toute façon, il était seul sur le banc et les personnes les plus proches étaient facilement à une dizaine de mètres de là. Ils n’auraient pas pu entendre la question. Il se tourna légèrement, de façon à voir qui était la personne qui s’était adressée à lui, et qui l’avait reconnu. Il était évident qu’il était un employé du pensionnat, puisqu’il l’avait appelé par sa fonction. Il reconnaissait en effet ce visage, mais il lui était impossible de lui attribuer une profession. Bah, tant pis, il s’en souviendrait plus tard, il y aura bien un indice au fil de la conversation. Bien qu’il n’apprécia pas le petit sourire de son interlocuteur, Mael lui répondit par un sourire sympathique, et lui répondit :

Absolument ! Mais si vous souhaitez remplacer mes pensées, je n’y vois aucun inconvénient.

Il accompagna ses paroles d’un léger mouvement de tête indiquant la place libre à ses côtés sur le banc. Bien qu’il n’avait pas prévu d’être en compagnie de qui que ce soit pour cette pause, sa présence ne le dérangeait aucunement, au contraire. cela changerait de son quotidien, justement...

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Il y avait ces cheveux fauves, les fossettes qui se creusaient sur les joues par le sourire sympathique, le regard vif et perçant, puis cette voix masculine, aux intonations graves, quoique rêveuses. Pendant quelques brèves secondes, Ludwig écarquilla les yeux, alors que des mèches argentées lui balayaient le visage sous un coup de vent inattendu. Il hésita un instant, avant d'hocher la tête, réajustant un sourire moins orgueilleux. Contournant le banc, il s'assit vivement près du directeur, établissant une distance polie entre eux. Fujiwara avait beau être son supérieur, il n'en avait pas moins de deux ans de moins que son employé. De quoi blesser légèrement la suffisance démesurée de l'homme. Le garçon avait l'air sage, un peu paumé, il était dur de l'imaginer à la tête d'un pensionnat comme celui là. Il pouvait être ambitieux, bien entendu, l'un empêche pas l'autre, mais les adolescents les plus vieux de cet établissement pourrait avoir du mal à discerner l'autorité chez quelqu'un qui leur semble si proche en âge.

Ludwig poussa un soupire las. Le pire dans tout ça, c'était qu'il ne le laissait pas indifférent. Enfin, un tout petit peu. On le voyait peu, il parlait peu, et avait l'air si nonchalant - le professeur aurait mit sa main à couper qu'il ne se souvenait même pas que Ludwig était enseignant dans son lycée- que le charme hautain lui étant attribué laissait son empreinte profondément ancré dans l'amour propre de l'argenté. Le temps s'étirait, les secondes de silence devinrent des minutes, et le regard de Ludwig se perdait à travers la foule, regardant ces femmes et ces hommes pressés, qui ne prêtaient pas l'ombre du temps nécessaire pour s'arrêter, manger, prendre une pause mérité entre deux heures de travail.

Ludwig jeta un bref regard à son collègue. Lui n'avait pas l'air plus loquace, et si l'ainé n'engageait pas la conversation, ils seraient tout deux partis pour de longues minutes de silences.

"-Pourquoi manger seul et dans le froid, alors qu'il y a un réfectoire tout à votre disposition ?"

La solitude était de plus de plus en courante, comme une mode. Il doutait bien pourtant qu'il y avait ceux qui préféraient s'éclipser, le temps d'un instant, laissant de côté les sujétions sociales, ces codes que nous respectons pour ne pas nous égarer de cette civilisation.

Tandis que l’homme prenait place à ses côtés sur le banc, Mael l’observait discrètement, essayant vainement de se rappeler qui il était dans son pensionnat. Mais comment pouvait-il savoir, avec tous les employés qu’il avait, aussi !! Il avait pensé au début qu’il s’en sortirait facilement, et que ce ne devait pas être bien dur. Mais en fait il ne voyait pas souvent ses employés, et encore moins s’adressait à eux, ce qui ne lui facilitait pas la tâche pour se souvenir de leur nom. Il se souvient de quelques personnes, par une particularité qui « ressort », mais elles restent très nombreuses. Ses cheveux étaient d’une couleur peu ordinaire, il se souvenait avoir remarqué cela du premier coup d’œil, mais impossible de se souvenir de son emploi. Gros trou de mémoire.

Le directeur perçut le soupir discret que son employé poussé une fois posé à côté de lui, et resta silencieux. Il songeait à lui demander carrément qui il était, mais ce n’était pas vraiment une bonne chose. Quelle image cela lui donnerait, s’il posait cette question. Mais d’un autre côté, s’il attendait d’être dans une situation ambiguë, cela risquait d’être pire. Tandis qu’il y réfléchissait, il avala les derniers morceaux de son casse croûte, le regard toujours porté sur les passants nombreux dans la rue à cette heure ci. Le temps passait, et le silence s’était installé entre eux deux. Mael avait terminé depuis un petit moment de manger, et au final n'avait encore rien dit. Bien qu'il était de naturel plutôt bavard, il avait toujours du mal à engager la conversation avec les gens qu'il ne connait pas trop.

Au final, il n'eut pas à s'y coller, et ce fut son employé qui se lança, continuant la conversation à peine commencée quelques minutes plus tôt. À vrai dire, Mael n'y avait pas pensé. Il n'y avait pas été depuis un long moment, et avait prit l'habitude d'aller manger ailleurs, même s'il y mangeait moins, et du coup pas forcément équilibré, comme cette fois là. Il n'aimait pas tellement y aller non plus, c'était un endroit vraiment bruyant, pire que le bruit de fond dans une rue bondée. Le jeune directeur haussa alors les épaules d'un air indifférent, et répondit d'un ton neutre:

La nourriture n'est pas terrible, et je n'aime pas y aller.

Un léger sourire apparut sur ses lèvres, son regard allant croiser celui de son interlocuteur. Regarder les gens quand ils nous parlent, qu'on lui avait toujours apprit. Il ne le faisait pas toujours, mais se devait bien d'être un minimum poli, surtout avec les choses en rapport avec le boulot. Enfin là ce n'était pas tellement le cas, puisqu'ils s'étaient rencontrés en ville en dehors des heures de travail. Mais il avait quand même une image à garder, et ne devait pas paraître négligé, mal poli ou autre.

D'ailleurs, il lui posait cette question, mais elle valait aussi pour lui. S'il était là, c'est qu'il n'était pas au réfectoire. Enfin, il y avait peu de chances qu'il y ait été avant de se retrouver ici. Avec la queue à faire, le temps de se trouver une place et le temps de manger, il n'aurait pas eu le temps de déjà être là.

Vous n'y êtes pas non plus, au réfectoire, pourtant....

Mael souriait toujours, et le regardait d'un air presque « provocateur ». Il avait laissé sa phrase en suspension, attendant une justification, curieux de savoir ce qu'il allait trouver comme raison pour ne pas y être.

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