Besoin de se bourrer la geule [Terminé]

Akimi se sentait seule. Elle avait passé deux jours à manger des ramens en lisant des bouquins mais là c’était l’overdose. Elle avait besoin de parler. Aki s’était donc préparée : elle avait abandonné sa nuisette et réenfilé une tenue correcte: un long chemisier et des bas violets, une jupe-salopette en velours noire. Le prof de théâtre changea la couleur des roses de ses cheveux pour l’assortir à ses vêtements. Elle était sortie du pensionnat. Étrangement, une certaine excitation se manifesta quand elle franchit le portail. Elle qui n’avait jamais fait le mur quittait son pensionnat alors qu’il allait faire nuit. Bon, d’accord elle avait le droit... Mais c’était particulièrement agréable. Un léger vent frais soufflait. Aki regretta de ne pas avoir pris de veste. Mais elle ne voulu pas regagner sa chambre. Elle avait soif de liberté. Elle avait soif tout court. Elle marcha, en cherchant la trace d’un café quelconque. Que boire? Boisson alcoolisée ou non ? Oui. Un whisky. Du Jameson.
Akimi rit intérieurement. Le bon Jameson irlandais était rare au Japon. Mieux valait trouver autre chose. Mais le goût de son futur whisky lui était monté à la bouche. Elle serait déçue si elle ne l’avait pas. « Tu bois trop ». C’était ce que tout le monde lui disait. Au moins, une bonne bouteille ça ne pouvait jamais décevoir, contrairement aux êtres humains.
Elle passa devant un restaurant bar ultra-classe, ultra-chic. Le genre d’endroit qu’elle avait toujours fréquenté. Elle admira à travers la vitre le long bar de bois brillant, les lampions de plastique transparent légèrement teinté en rouge, le mur de bambou dans le fond. Elle tendit la main pour ouvrir la porte. Elle s’arrêta, se retourna et continua sa route. Ça n’allait pas. Elle voulait changer. Le luxe, elle en avait soupé. Et si quelqu’un la reconnaissait ? Peu de gens étaient au courant pour sa « réorientation ». Elle ne voulait plus voir les autres. Comme la légion étrangère : « se faire une nouvelle vie ».
Elle tomba sur une impasse et un café. Une espèce de boui-boui. Ah... ÇA c’était pittoresque. Akimi respira une grande goulée d’air avant d’entrer. Un match devait se dérouler car la plupart des clients étaient regroupés devant une télé. Du moins c’est ce qu’elle pensait car le flot de pochtrons lui cachait l’objet de toutes les attentions. Elle se fraya un chemin tant bien que mal jusqu’au comptoir.
-Un whisky ! Euh... Un double ! Sec !
Le type la regarda bizarrement. Assez longtemps pour qu’Akimi ait le temps de détailler la composition douteuse de cheveux gras et pelliculeux du barman. Il se retourna, chopa une bouteille. Se gratta les fesses avec la main qui ne servait pas la boisson. Il lui tendit le verre en gueulant (afin de couvrir le bruit ambiant...ou alors c’était sa façon habituelle de parler)
-450 yens siou’plait !
Elle lui tendit 500 yens mais attendit qu’il lui rende la monnaie. Pas question de laisser un pourboire à ce mec.
Elle récupéra son verre et chercha une table, plus loin des acclamations et des injures qui fusaient. La table la plus loin était déjà occupée par un grand homme qui fermait les yeux, comme si il cuvait.
Elle s’approcha.
-Excusez-moi.
Pas de réponse. Elle toussota. Parla plus fort.
-Excusez-moi, je peux m’asseoir ?
L’homme ouvrit soudainement les yeux. Des yeux caramels qui paraissaient remplis d’étincelles.

La journée avait été plutôt calme. Cependant, il avait comme l’envie de se laisser un peu de bon temps. Aussi, après le boulot, il était sortit un peu partout. Il avait cependant laissé son téléphone allumé, il aimait se détendre mais savait qu’il pouvait être appelé pour des raisons X ou Y. Il était d’abord allé au parc pour s’aérer, puis avait marché à travers les rues. Il connaissait déjà son programme de la soirée, repas, écriture, puis dodo. Peut-être un peu de télévision avant de se coucher, mais ça ne changeait pas. Il marcha à travers les rues, allant un peu à droite, à gauche, sans se définir de chemin précis pour aller chez lui. Il croisa une impasse à un moment, et aperçut un café. Bah, c’était toujours un moyen de changer sa routine, il pouvait tester. Il avait toujours un livre dans ses affaires, il pouvait le lire dans cet endroit, personne ne viendrait le déranger non ? Qui penserait le retrouver là ?

Cependant, il regretta presque d’être rentré. Il ne savait pas ce qu’il y avait dans la soirée à la télé, mais déjà quelques personnes se trouvaient devant l’écran. Il commanda un café avant d’aller s’installer sur une table vide, et prit son livre pour lire un peu. Cependant, il décrocha assez rapidement, et rangea son livre. Le bruit était bien trop assourdissant pour qu’il arrive à lire. Après avoir bu son café, il alla chercher un verre d’alcool assez fort. Il savait qu’il allait tenir sans aucun problème, mais qu’il allait peut-être avoir un peu de mal avec le bruit. Il n’avait pas bu la moitié de son verre qu’il ferma déjà les yeux, hésitant à repartir sans finir sa consommation. Finalement, les yeux ainsi fermés, il arriva à réfléchir un peu, à se plonger dans des pensées qu’il appréciait vraiment. Au point qu’il n’entendit pas quand une jeune femme l’appela.

Elle appela une deuxième fois, et la voix ramena Kimitsu à la réalité. Il ouvrit les yeux, regardant la jeune femme qui était debout devant lui, un verre à la main. Elle lui demandait si elle pouvait s’asseoir. Comme Kimitsu était perdu dans ses pensées, il lui fallu un moment avant de comprendre la question, et fini par répondre.

« Bien sur, installez vous. »

Il continuait à l’observer. Il l’avait déjà croisé quelque part. Il commença à réfléchir pour essayer de se souvenir où l’avoir croisé. Puis, rapidement, il eu une idée.

« Vous travaillez dans un lycée non ? »

Akimi se posa tranquillement sur la banquette d’en face quand l’homme lui laissa s’asseoir. Elle s’installa confortablement, passant doucement la main derrière sa jupe pour qu’elle ne se froisse pas.
La question de l’inconnu la dérangea. Il l’avait déjà vue au lycée ? Devant cette question laquelle elle devait trouver une réponse, ses yeux se posèrent devant son verre. Elle le serra fort, le porta à ses lèvres, les pétales de rose s’ouvrirent et laissèrent le whisky couler dans sa bouche puis dans sa gorge.
Dégeulasse. Vraiment. Pas grave. Elle devait s’habituer. Ce n’était pas avec son salaire de prof qu’elle pourrait se souler avec de l’alcool de qualité. Elle avait déjà fini son verre. Cul sec. Décidément elle avait une trop bonne descente.
Elle sourit au monsieur en face d’elle et le reconnu. Ses yeux l’avaient marquée le jour où elle l’avait rencontré. C’était l’infirmier. Qu’es-ce qu’il foutait ici ? Un infirmier qui buvait ? Que buvait-il d’ailleurs ? Elle avisa une tasse de café et un verre. L’alcool à l’intérieur devait être fort, il avait presque décrassé tout le verre à lui tout seul !
-Je. Travaille. Bien. Au. Lycée. De. La. Ville.
Elle avait haché tous ses mots. Non, elle n’était pas déjà sous l’effet de l’alcool. Elle avait de la marge. Elle fouillait juste ses souvenirs, à la recherche du prénom de l’homme. Il y avait le son Kimi dedans ! Comme dans Akimi !
Réflexion intense.
Ki-Mi-Tsu ?
Allez on tentait ! Qui ne risque rien n’a rien etc... On respire par le ventre, on vérifie que ses cheveux sont bien en place et c’est parti.
-Pardon, je suis le professeur de théâtre Vous êtes... L’infirmier non ? Je m’appelle Akimi... Vous êtes Kimitsu c’est ça ?
Les effluves de transpiration de supporter abruti vinrent heurter le nez sensible de la demoiselle. Elle se redressa et expira un bon coup. Mauvaise idée car elle dût ensuite respirer à plein poumons les odeurs nauséabondes. Moite, équerrante. Un serveur passa, une bouteille de saké sur son plateau en plastique jaunâtre. Akimi l’arrêta par le coude, lui souffla deux trois mots à l’oreille car elle aurait dû hurler pour couvrir le vacarme ambiant et cela aurait abîmé sa voix.
Le serveur revint avec une bouteille de whisky à peine entamée et la posa sur la table. Elle remercia et se remplit un verre. Elle planta son regard dans celui de son collègue.
-Je déteste boire seule. C’est pour ça que je suis venue. On trinque ?

La jeune femme bu son verre d’une traite. Kimitsu ne pu qu’être surpris de voir quelqu’un descendre aussi rapidement un verre sans avoir de conséquences rapides, même de faibles conséquences. Cela dit, il revint sur son idée en l’entendant hacher ses mots. Peut-être qu’il se faisait des idées, aussi, il ne se fixa pas sur l’impression qu’il avait. Elle se présenta finalement comme étant la professeur de Théâtre, et elle le reconnu comme étant l’infirmier. Donc elle l’avait déjà vu aussi, ça n’était pas plus mal d’ailleurs, ça lui faisait une chose en moi à dire sur lui. Non pas qu’il n’aimait pas parler de lui, mais tout ce qui était présentations et autres, c’était assez barbant à la longue.

« Oui, je suis bien Kimitsu, ravi de faire votre connaissance Akimi san. »

Elle interpella ensuite un serveur, et Kimitsu leva un sourcil lorsqu’elle murmura quelque chose à l’oreille du garçon, qui revint peu après avec une bouteille de whisky. Elle lui proposa de trinquer, et Kimitsu sourit.

« Avec plaisir. »

Il tourna son regard vers le verre à moitié plein, qu’il tendit vers Akimi afin de trinquer. Elle détestait boire seule, et bien, ils étaient deux. Si Kimitsu avait commencé à boire peu avant en solitaire, c’était pour oublier les lieux où ils se trouvaient. Il n’était pas vraiment agréable de rester à un endroit envahit pas le bruit et l’odeur de transpiration.

« Et il vous arrive souvent de venir boire en ces lieux ? Ils ne sont pourtant pas de bonne fréquentation, normalement. »

Il avait ajouté le normalement, parce qu’il se trouvait lui aussi en ces lieux. Et il doutait qu’il soit une personne peu fréquentable.

Elle ne s’était pas trompée. Cet homme charmant était bien Infirmier et son prénom était bien Kimitsu. Akimi était soulagée. Sa mémoire n’était pas encore défaillante. Non, parce que ça allait bien 5 minutes mais être Alzheimer à 26 ans non merci.
L’âge était une préoccupation majeure pour elle. Elle était maintenant plus proche de ses 30 ans que de ses 20 ans. Pas d’enfants, célibataire... Ce n’était même pas sûr que si elle passait une annonce dans un journal que quelqu’un lui réponde.
L’ancienne comédienne imaginait son annonce, entre un article demandant où trouver des enjoliveurs de deux chevaux (de pref. état neuf) et une pub pour une agence matrimoniale genre Fidelio.
« Jeune prof de théâtre franco-japonaise ex-comédienne. Divorcée ss enfants. Taille mannequin. Boit beaucoup. Non fumeuse. Parle anglais. Déteste la fête et les niveaux sociaux trop élevés. Cherche... quelqu’un, n’importe qui, le (la) premier(e) qui passe, vite »
Misère... C’était vraiment mal barré.
Kimitsu tendit son verre à moitié vide dans sa direction. Elle prit le sien le frappa doucement contre celui de l’infirmier en lançant un « Kampaï ! » d’une voix chantante.
Elle aimait vraiment que quelqu’un l’accompagne dans son ivresse. Encore qu’elle ne comptait plus se souler. Non. Juste se griser légèrement.
Kimitsu l’interrogea sur sa présence ici soulignant le fait que ce genre de bar accueillait rarement des personnes de bonnes mœurs. Akimi voulut dire la vérité, en faisant l’impasse sur sa vie d’avant.
-Il est rare que j’entre dans ce genre d’endroit. En fait je crois que c’est une première. J’avais aperçu un bar plus chic. L’international club ou quelque chose comme ça. Mais, je n’avais pas spécialement envie d’être entourée de gens ayant les moyens, de serveurs snobs et de clopes immenses dans leur porte-cigarettes Alors j’ai tourné un peu. Je me sentais un peu au fond du gouffre en fait. J’ai trouvé ce... ravissant boui-boui et voilà !
Elle parcourut la salle des yeux essayant de trouver un élément « ravissant ». Il n’y avait rien, des fleurs de plastique crasseuses, des cendriers publicitaire pour une marque de saké, des posters tellement jaunis qu’il était impossible de savoir dans quel but elle avait été crées.
-Mais je n’ai pas l’impression que vous soyez un habitué de ce genre d’endroit, je me trompe ?
Elle prit l’une des trois fleurs de ses cheveux, réflexe, et tandis qu’elle écoutait la réponse de Kimitsu, entreprit de faire pousser une seconde rose sur la branche de la première.

Rare qu'elle entre dans un tel endroit hein ? Kimitsu l'écouta, écouter lesautre était l'une des choses qu'il faisait le mieux. Il reposa son verre, ravalant un rire en l'entendant parler de ravissant boui boui. Cet endroit n'avait rien de ravissant, bien au contraire. C'était un lieu assez sale, avec des gens qui ne semblaient pas avoir la moindre trace d'éducation. Non, il n'était pas un habitué de ce type d'endroit. Il avait plutôt tendance à les éviteren général.

"C'est exact, je ne suis pas grand amateur de ce genre de bars. A vrai dire, je ne suis pas amateur de bar d'ordinaire, mais je n'avais pas envie de me retrouver seul chez moi, et j'avais envie de me dépayser et de changer de ma routine parfois barbante."

Il porta son verre à ses lèvres, observant la deuxième fleur qui avait poussée. Elle était de l'élément terre. Un réflexe qu'il pensa cela. Il se demanda aussi si elle était plutot à même de voir la réalité en face. Il faut dire qu'il était dans les habitudes de Kimitsu de se poser des questions sur la personne en face de lui. Il ne changerait pas avant un moment, et encore, est-ce qu'il changerait ?

"J'ai aussi plus l'habitude d'aller en des lieux plus sympathiques, et j'avoue que l'envie de passer innaperçut m'a prit, et j'ai trouvé cet endroit. Pourtant, vous m'avez trouvé, à croire que je ne serais jamais invisible. Enfin, que ça soit une charmante dame qui me trouve, cela ne me déplait pas, loin de là."

Un peu charmeur ? Oui, c'était dans ses habitudes à vrai dire. Il était comme ça, en maniant les mots à volonté. C'était si naturel qu'il ne s'en rendait plus vraiment compte d'ailleurs, comme si c'était un tic.

Par politesse, Kimitsu ne rit pas en entendant parler de « Ravissant boui boui ». Toujours avec délicatesse il répondit qu’il n’était pas habitué des bars mais qu’il aimer se dépayser. Il but un peu en regardant la deuxième rose qu’Akimi avait enfin terminé. S’il se posait encore des questions sur son élément, il ne pouvait plus avoir de doutes. Puis il parla de son envie d’être invisible et Akimi fût sceptique.
Il attirait l’attention : il se fondait mal dans le décor. Trop grand, un teint trop pâle et une peau trop saine pour être assimilé aux alcolos de service...
Mais tout cela ne parût pas d’une grande importance à la demoiselle quand elle entendit la dernière phrase. Celle-ci se répéta dans sa tête, en échos.
« Enfin, que ça soit une charmante dame qui me trouve, cela ne me déplait pas, loin de là .»
Ah oui ? Akimi sourit (sourire n°5 : celui avec la fossette craquante) puis posa son menton sur sa main droite. Ses longs cheveux glissèrent mollement. Les mèches les plus courtes balayèrent ses épaules, les longues le bas de son dos. Elle décroisa les jambes, les recroisa dans l’autre sens et ajouta, ses yeux malicieux plantés dans ceux de Kimitsu :
- Seriez-vous un peu charmeur très cher ? Non pas que cela me dérange mais...
Elle posa les coudes sur le bois de la table et ce rapprocha de son interlocuteur. Son index droit effleura le bout du verre de l’infirmier.
Un geste qui paraissait anodin mais parfaitement calculé. Sur sa peau, l’ancienne comédienne appliquait toujours une poudre au goût de biscuit (très précisément « petit beurre Lefèvre-Utile). Un petit amas scintillant se forma sur le verre, peu habitué à tant d’éclat.
Le visage d’Akimi était désormais très proche de celui de l’infirmier, elle sentait le souffle de son collègue sur sa peau. Elle finit alors sa réplique :
-si vous voulez jouer à ça, il ne faudra pas être frileux.
Bon, là c’était elle qui commençait à avoir chaud. Elle se recula, centimètres par centimètres. Enroula une mèche de cheveux autour de son doigt.
La demoiselle se saisit enfin de la bouteille et se resservit un troisième verre. Elle les vidait trop vite. Ce n’était pas drôle. Et elle n’allait quand même pas lancer un pari débile au premier venu parce qu’elle avait envie de boire. Ça ne se faisait pas. Que les conventions étaient contrariantes.
Elle finit son verre. Battit de ses longs cils maquillés et se redressa, buste en avant.

Tient, la voilà qui répondait à son côté charmeur. Il esquissa un sourire, en général, on l'envoyait balader, ou on en était gêné. Elle, elle semblait s'en amuser. Il valait mieux ne pas être frileux hein ? Elle en était déjà à son troisième verre de Whisky ... C'est qu'elle descendait vite ... Mais boire autant n'était pas vraiment bon pour la santé. Elle qui s'était approchée, puis éloignée ...

D'un geste de main, il s'amusa à son tour avec la fleur d'Akemi, lui rendant son apparence originel. Puis, il reprit une gorgée de son verre, dont le liquide descendait petit à petit. Il n'allait vraiment pas s'ennuyer.

"Vous feriez mieux de garder votre fleur telle qu'elle était avant. C'est bien plus joli."

Encore une gorgée ... Puis non, le verre en entier, et il le reposa, vide, sur la table, en un geste délicat et sans le moindre bruit. Les paroles de la femme restait en lui. Ne pas être frileux ... C'était une chose que personne ne lui avait dit ...

Les bruits de verres s'entendaient dans toute la pièce. Les cris aussi ... S'il y avait un évènement sportif, alors ils devaient marquer souvent, ou avoir beaucoup de chance pour que les cris de joies soient aussi nombreux.

"Si le bruit ici vous agace, je peux vous proposer de venir chez moi, je vis dans un coin très calme."

Tant qu'à faire, continuer avec son charme ...

La réponse d’Akimi parût le surprendre mais aussi l’amuser. Il sourit. Ce sourire lui rappelait étrangement quelqu’un. C’était le genre de sourire vraiment contagieux.
Kimitsu fit un petit geste de la main près de sa fleur. La seconde fleur disparut.
L’infirmier avait donc le pouvoir de la terre. Ce n’était pas rare, les plantes étant un élément très important pour la confection des remèdes.
Aki regarda le verre que buvait Kimitsu. C’était impressionnant. Il le buvait tellement lentement que l’immonde liquide paraissait délicieux et sacré : il fallait le savourer, le déguster.
Et si elle se servait un autre verre... Peut-être qu’elle arriverait à en profiter autant que son collègue.
Elle fut interrompue dans ses réflexions. Kimitsu lui conseillait de garder sa fleur au naturel. Cette remarque la déconcerta. Le naturel... C’était paradoxal mais son pouvoir avait beau être la terre, Akimi avait toujours eu un côté artificiel.
Non. Pas toujours. Elle avait cultivé ce penchant quand elle était partie avec sa mère. C’était cette femme aux cheveux décolorés, aux lèvres et aux seins refaits et aux pommettes botoxées qui l’avait transformée, petit à petit, en cette poupée d’1m79 absolument ridicule. Elle qui lui avait conseillé de donner des couleurs étranges à ces fleurs ou de mettre des perles le long des tiges, apprit à marcher avec des talons de 10cm, expliqué comment montrer ses dessous « sans faire exprès »...
Oui sa mère lui avait apporté un savoir effrayant qu’elle utilisait naturellement.
-Vous avez sans doute raison. J’ai tendance à sous-estimer le naturel.
Enfin le supplice d’Akimi se finit. L’infirmier finit son verre d’un trait. Enfin ! Lui aussi finissait ses verres !
L’alcool devait l’avoir ragaillardi car Kimitsu se montra plus entreprenant. Une incitation à boire chez lui sous prétexte qu’il y avait trop de bruit ? Diable il fallait réfléchir. Et vite.
Pas la peine de rougir ou d’avoir l’air faussement gêné, son collègue avait bien compris qu’elle n’était pas ce genre de nana.
La proposition était alléchante. Elle qui avait besoin de contact humains risquait d’être servie. Un infirmier... Elle avait déjà eu ça ? Ah oui. L’infirmier stagiaire de son lycée en première année. Elle ne se souvenait pas de son nom. Peut-être qu’elle ne l’avait jamais su.
Un bourdonnement se faisait sentir dans sa tête. Décidemment oui, elle avait besoin de sortir. Et accompagnée, c’était encore mieux. Pour se donner du courage, elle prit le temps de se servir un autre verre (c’était le combientième ?) et en but deux gorgées.
-Vraiment atroce. On dirait du white spirit. Allons chez vous. Vous avez du bon whisky ?
Sur ces paroles enfin censées, elle se leva, fouilla dans son portefeuille et sortit de quoi payer les consommations. Elle défroissa légèrement sa jupe au niveau des cuisses, fut très heureuse à l’idée qu’elle allait quitter les odeurs d’haleines pas fraîches et de transpiration de supporters acharnés et fit un petit signe à son futur hôte. Elle le suivait.

[je poste directement dans mon appartement, sujet clos]